Le terme latin nigellum (de niger, noir) désigne un émail noir composé d’argent, de cuivre, de plomb, de borax et de souffre noir, fondus ensemble dans un creuset. Versé dans les traits gravés d’une plaque de métal, le plus souvent précieux, le mélange obtenu permet de faire ressortir le dessin. La brillance et la couleur de cet émail noir contrastent en effet avec le fond d’or ou d’argent. Il s’agit donc d’une technique appartenant aux arts décoratifs et à l’orfèvrerie.
Technique antique, l’art du nielle a été repris au Moyen Âge. Le moine Théophile, à Cologne, le mentionne au XIIe siècle, en Allemagne donc. En Italie, c’est au Quattrocento et au début du Cinquecento que le nielle connaît son apogée, et ce n’est peut-être pas un hasard si les impressions qui en résultent apparaissent à cette période particulière. Le niellage servait surtout à décorer des objets liturgiques – crucifix, châsses et reliquaires, bougeoirs, calices et ciboires, baisers de paix, etc., – mais aussi profanes – boîtes, coffrets, bijoux, boucles, fourreaux d’épée, gardes de poignard, etc. Souvent, le nielle était coulé sur de petites plaques d’or ou d’argent gravées à l’aide d’un burin. Ces plaques étaient ensuite montées sur une pièce d’orfèvrerie, ou bien soudées ou montées entre elle. Le burin permet d’obtenir des traits fins, précis et nets, donnant des dessins aux lignes très graphiques. Les ombres sont suggérées par des traits croisés ou parallèles. On retrouve donc toutes les caractéristiques de la gravure au burin, dont la technique dérive directement.
Avant d’être niellées, les plaques de métal étaient soigneusement préparées, bouillies dans de l’eau mélangée à de la cendre de chêne, rincées et frottées avec des petites brosses. C’est alors que, pour conserver une trace de leur travail, pour s’en servir de modèle, ou bien pour contrôler le rendu de leur travail, des orfèvres ont eu l’idée – et, comme nous l’avons vu, peut-être Maso Finiguerra le premier – d’imprimer sur papier une épreuve à partir des plaques gravées. Nous l’avons vu aussi, Vasari et Cellini, notamment, nous renseignent sur ce procédé assez contraignant.
D’abord, les creux étaient remplis avec une sorte d’encre grasse noire. Ensuite, les orfèvres prenaient une empreinte de la plaque avec un mélange argileux fin et compact, contre lequel le motif s’imprimait, de manière inversée. Or, ce support était très fragile : en séchant, la terre se fendait et finissait par se briser. Cela explique qu’aucune empreinte en terre ne nous est parvenue. Puis, sur cette frêle épreuve en terre, les orfèvres coulait du soufre. L’image, inversée à nouveau, se retrouvait dans le même sens que le dessin de la plaque de métal. Renforcée avec du plâtre, l’épreuve en soufre était plus solide. Certaines nous sont parvenues. Les creux étaient remplis de noir de fumée, et la surface polie, huilée, évoquait la couleur de l’argent.
Cette empreinte en soufre permettait aux orfèvres d’avoir déjà une idée du rendu final de leur travail destiné à être niellé, mais certains eurent l’idée de tirer des épreuves sur papier à partir des empreintes en soufre. Ils obtenaient ainsi des « nielles-estampes », au motif inversé par rapport à la plaque originale. Il est remarquable que nous possédons, pour l’estampe considérée comme étant la première à avoir été créée en Italie, la célèbre Paix de Maso Finiguerra, outre l’épreuve sur papier conservée à Paris, la plaque en argent niellée, conservée au musée du Bargello à Florence, mais aussi l’épreuve en soufre, conservée au musée du Louvre. Cette rare coïncidence a permis de valider et de mieux comprendre la technique explicitée ci-dessus. On voit bien en effet que l’image de l’épreuve sur papier apparaît inversée par rapport à la plaque d’argent, tandis que celle sur l’épreuve en soufre est dans le même sens.
C’est le célèbre historien de la gravure autrichien Johann Adam von Bartsch (1757-1821) qui, le premier, employa le terme de « nielle » pour qualifier ce type d’estampe. On l’utilise encore aujourd’hui, mais il permet mal de saisir de quoi il s’agit réellement. C’est pourquoi le terme de « nielle-estampe » est aussi utilisée ; son emploi ne laisse aucun doute sur le fait que l’on désigne l’épreuve sur papier et non pas la plaque orfévrée.